Les artistes ont été très nombreux, au cours des dix dernières années, à se servir de la photographie pour
« regarder en face » des situations géopolitiques complexes et des réalités humaines douloureuses. Il semble urgent que la photo serve aussi, parallèlement, à repérer les conflits qui se déroulent en nous-mêmes et qui sont en grande partie responsables des misères extérieures, avec l’espoir qu’elle nous confère un peu de cette « clarté d’esprit » qui est le sens psychologique donné par l’ère moderne au terme lucidité.
Le Mois de la Photo à Montréal 2011 réunit donc des artistes qui tournent en quelque sorte leur caméra vers eux-mêmes et conçoivent la pratique de la photographie comme un processus d’introspection, un mode de conscience ou un révélateur de l’inconscient. Ce faisant, leurs œuvres portent à notre attention des forces qu’il nous est difficile de reconnaître dans nos actions – l’illusion de l’identité, la peur, la mort, la colère, le non-savoir – et offrent des occasions de méditation sur l’acceptation, la compassion, la créativité et la liberté d’action.
S’il importe d’en appeler à l’artiste pour nous soutenir dans cette tâche toute personnelle, c’est qu’il est par métier, nous dit Milan Kundera, un « explorateur de l’existence ». Son art est un « territoire où le jugement moral est suspendu », un territoire dont « la connaissance est la seule morale » et où toutes les zones d’ombre se doivent ainsi d’être minutieusement observées, appréciées, embrassées, puisque c’est entre autres cela, la lucidité : voir clair dans l’obscurité.
Anne-Marie Ninacs
Commissaire invitée