Sean Snyder

(États-Unis)

Sean Snyder

Galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia
8 septembre au 24 octobre 2015

Sean Snyder explore le champ anti-artistique de l’art basé sur la recherche (research-based art) : il évite la création d’« œuvres » au sens productiviste du terme pour se tourner vers des études de cas qui interpellent les conditions de l’image. Il écrit : « Malgré le nombre croissant d’images auxquelles nous sommes exposés, nous pouvons émettre l’hypothèse que nous voyons moins. Nous voyons moins les images en soi, lesquelles sont dominées par le sens imposé par le contexte discursif dans lequel elles apparaissent. » Notre regard est brouillé parce que les images sont non pas des fenêtres ouvertes sur le monde, mais des constructions propagandistes qui créent de la distorsion.

Noam Chomsky a écrit : « La propagande est à la démocratie ce que la violence est à un État totalitaire. » Propagande et violence sont des « moteurs de l’histoire » qui s’adaptent au régime au pouvoir. Face à ces moteurs, nous pouvons accepter le fait que la manipulation est un aspect inhérent à l’image et insister sur la validité idéologique de la cause qui la justifie, ou nous pouvons dénoncer cette manipulation afin de la désamorcer.

En cette époque où un grand nombre d’images circulent et fascinent précisément pour ce qu’elles ont de toxique et de répugnant, Snyder effectue ce qui pourrait être considéré, au sens clinique, comme une purge. Dans son exposition, il en fait la preuve par la reconnaissance fondamentale de la matière première de l’information visuelle (encre et papier, pellicule, bande magnétique, algorithmes et pixels) et par l’élaboration de rhétoriques de persuasion.

Nous sommes prisonniers de notre purgatoire. L’image est instrumentalisée par le pouvoir autant qu’elle constitue la manifestation du pouvoir. Snyder ne parvient pas à en chasser les démons, mais, en restituant notre capacité de voir et de penser, il nous apprend à les reconnaître.

BIO

Né en 1972 à Virginia Beach, Sean Snyder vit et travaille à Berlin. Depuis 1998, ses œuvres ont été exposées dans diverses expositions individuelles et collectives à travers le monde, notamment au Mediacity Seoul en Corée du Sud (2014) ; au Kölnischer Kunstverein à Cologne (2013) ; à la National Gallery of Art à Washington (2012) ; au Israeli Center for Digital Art à Tel Aviv (2010) ; à la Swedish Contemporary Art Foundation à Stockholm (2009) ; à la Galerie Chantal Crousel à Paris (2009) ; à la Galerie Neu à Berlin (2014 et 2009) ; à la Lisson Gallery à Londres (2009) ; et au National Museum of Contemporary Art à Bucharest (2007). Au cours de sa carrière, il a reçu plusieurs bourses et prix offerts par l’Israeli Center for Digital Art à Tel Aviv (2007) ; l’Office for Contemporary Art à Oslo (2006) ; le Center for Contemporary Art à Kiev (2006) ; et l’Institute for Contemporary Art à Sofia (2004). Il est représenté par la Lisson Galleryà Londres, la Galerie Chantal Crousel à Paris et la Galerie Neu à Berlin.

www.lissongallery.com
www.crousel.com
www.galerieneu.net


Entrevue avec Sean Snyder

Enregistrement amnésique : Ou tentative de suivre une image éphémère

Les plateformes comme Facebook, Twitter, Instagram, Flickr, Youtube et eBay sont constamment en mouvement. Un de perdu, dix de retrouvés. La différence entre le passe-temps méditatif qu’est la pêche et le cyber hameçonnage, et le régime plus psychotique des trolls informatiques, brouille les définitions antérieures de la réalité. Pour citer Shia LaBeouf qui cite Eric Cantona en 1995 : «When the seagulls follow the trawler, it's because they think sardines will be thrown into the sea.» Comme McLuhan l’a dit : La publicité est la plus grande forme d’art du 20e siècle. Nous sommes maintenant au 21e siècle. Je me demande si Internet l’a remplacée ?

Est-ce que le monde de l’art est en crise ? Quand je reçois des thèmes d’expositions, je tente de décider si je peux y répondre d’une manière intéressante. Mon procédé artistique n’est pas très défini. Je me plonge dans beaucoup d’information éparpillée que je trouve intéressante, je fais du essais et erreurs, j’attends que la poussière retombe, je tente d’en extraire ce que je trouve pertinent, et j’extrais ce qui pourrait intéresser les autres. Comme passe-temps ces dernières années, j’ai contacté des gens qui utilisent LinkedIn – une fonction automatique de mon compte Gmail. J’ai expérimenté avec les territoires indéfinis des médias sociaux par curiosité. Les algorithmes sont des forces hors de mon contrôle. Je m’aventure avec des inconnus dans des eaux inexplorées. Pour citer McLuhan encore mais avec une référence à Benjamin en se remémorant son histoire : Nous allons vers le futur en utilisant uniquement notre rétroviseur. Je réévalue la pratique de Daniel Buren, Dara Birnbaum, Christopher D’Arcangelo, Dan Flavin, Gordon Matta-Clark, Michael Asher et Bas Jan Ader, pour citer des noms reconnaissables. De plus, j’ai fait de nouveau référence à des publications artistiques des années 1990 telles que Kontext Kunst et Deep Storage: Arsenal of Memory, qui réactive les neurones dans mon cerveau.   Je vais décrire un projet que je vais présenter à Montréal comme exemple. L’année dernière je me suis intéressé au scandale de Sony, à la sortie du film The Interview, et ce qui a suivi. J’ai appelé le projet Aleatoric Collision (Sony Scandal). Une contribution de 1000 mots pour le journal d’art Picpus m’a servi de modèle. C’était un défi de résumer ma pensée dans ce format. J’ai été distrait par le massacre de Charlie Hebdo qui est survenu proche de la date de tombée. Une bande dessinée dans le numéro suivant du journal a ajouté de l’huile sur le feu. Le slogan de la publicité de Sony de 2009 était « make.believe. » Le scandale a dépassé la fiction. Je suis devenu obsédé par les répercussions du scandale Sony. Des DVD du film ont été envoyés par ballons vers la Corée du Nord par des activistes, apparemment pour provoquer une réaction de l’État nord coréen. C’est définitivement moins efficace que l’épidémie de MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient) de deux mois qui a provoqué la paranoia. Le résultat du scandale de piratage de Sony est ambigu. Est-ce réel ou make.believe ?

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